mercredi 7 mars 2012

Une année chez les Français

Une année chez les français par Fouad Laroui

Par Christine Ferniot (Lire), publié le 20/10/2010 à 07:00

Mehdi, jeune boursier, débarque au prestigieux lycée Lyautey à Casablanca. Une satire sociale touchante.

Dans ses romans comme dans ses nouvelles, Fouad Laroui garde l'oeil moqueur. C'est son système de défense et sa lucidité. Une année chez les Français est de la même veine, conjuguant ironie et humanisme pour replonger dans des souvenirs d'enfance à Casablanca. 
1969 : un lutin se présente au portail du lycée Lyautey. Il s'appelle Mehdi, n'a pas plus de dix ans et tient sa petite valise marron un peu cabossée. Il est le plus jeune élève de l'école, remarqué par l'instituteur de son village qui lui a obtenu une bourse pour entrer dans le plus grand établissement français de la ville. Pour cet enfant qui a passé ses premières années dans un village de l'Atlas, tout paraît déroutant et incompréhensible. Mehdi va passer "une année chez les Français", expérience décisive, étrange voyage d'ethnologue. Du réfectoire et son curieux hachis Parmentier au dortoir avec ses lits superposés, il doit peu à peu décrypter le mode d'emploi de sa nouvelle vie. Les pions, les profs, les autres pensionnaires sont autant de personnages mystérieux, comédiens d'un théâtre démesuré. Ecarquillant les yeux, Mehdi décrit ce qu'il voit de sa hauteur : les grands escaliers qui mènent à la lingerie, la vaste cour du lycée, les longs week-ends où les autres rentrent chez eux tandis qu'il reste avec un surveillant pour seul compagnon. Il n'y a pas de nostalgie ni de souffrances exposées dans ce récit mais un humour détaché pour dire le pire et le meilleur : les surnoms racistes dont on l'affuble, la condescendance, les préjugés, mais aussi l'amitié, la générosité, la découverte d'un autre monde, et surtout, l'éducation par les livres. Fouad Laroui ne règle pas ses comptes avec le passé, il dit en vrac le plaisir d'apprendre et la tristesse d'être considéré comme un être différent. Quand Mehdi est invité à passer Noël chez Denis Berger et ses parents, la fable commence sur un ton léger puis glisse doucement vers la métaphore grinçante, teintée de gravité. Nuancé, distancié mais sentimental, Fouad Laroui n'est pas un donneur de leçons, il passe par l'anecdote, le détail quotidien, pour parler d'intégration, de colonialisme, d'identité. Mais Une année chez les Français est également un hymne à la littérature qui fait tomber les barrières et à la lecture qui sauve de toutes les solitudes. Poète, romancier, critique littéraire et enseignant, Fouad Laroui sait de quoi il parle.  


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